« Elle va accoucher quand ma femme ? Car là c’est la mi-temps ». « T’as intérêt à accoucher après que le match soit fini toi ! ». « Tu te dépêches, je n’ai pas que ça à faire, faut que je retourne au boulot ». Et si le « plus beau jour de leur vie » n’était finalement pas si idyllique ? Loin des naissances parfaites filmées et partagées sur les réseaux sociaux, en salle d’accouchement la réalité est parfois bien plus effrayante.  

Cette réalité, Yami International l’a connaît bien. Cette sage-femme vacataire a décidé d’en parler sur les réseaux sociaux et plus particulièrement sur son compte Tiktok. Une plateforme sur laquelle elle partage, entre-autre, les situations sexistes auxquelles elle assiste. « Généralement les papas sont bienveillants, ils sont stressés », décrit la professionnelle de santé, « mais parfois on peut faire face à des situations de violence. Certains conjoints n’en ont rien à faire que leur femme accouche, ils sont sur leur téléphone ou devant un match de foot. » Une attitude qui peut sembler anodine mais qui reflète souvent des situations de violences conjugales au sein du couple.  

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« En tant que professionnel.les on casse une forme d’isolement »  

Car derrière les remarques misogynes se cache la violence conjugale. Yami se rappelle notamment d’une patiente dont le corps était couvert de bleus. « Elle m’avait dit ‘ne vous inquiétez pas, là ce sont des coups de poings mais normalement c’est au couteau’. Le problème c’est que les femmes qui sont dans ce genre de relation ont malheureusement banalisé la violence », explique la sage-femme, « en tant que professionnel.les on casse une forme d’isolement. Notre but est de faire comprendre aux patientes qu’elles sont dans une situation de violences conjugales qui est punissable. » Si les médecins ne sont pas habilités à accompagner leurs patientes majeures au commissariat, ils sont cependant en mesure de les adresser vers des professionnels et de les encourager à porter plainte. 

La sage-femme aussi, en prend pour son grade 

Une position pas toujours évidente quand on est une sage-femme de 29 ans. « Nous aussi nous nous prenons des réflexions en tant que sage-femme », mentionne Yami International. Un jour, alors que la jeune diplômée s’apprêtait à recoudre une patiente qui venait d’accoucher, le ton est monté entre elle et le père de l’enfant. « Je me souviens très bien de la scène. Je pensais réellement que c’était une mauvaise blague. Il s’est mis à côté de moi alors que j’allais faire mon travail et il m’a dit : ‘ça va, mon terrain de jeu est pas trop abimé ? Madame, vous avez intérêt à bien me le recoudre, moi je veux que mon terrain de jeu soit comme avant’. Je lui ai répondu qu’il allait devoir se calmer, que son propos n’était pas normal. On essaye toujours de remettre les hommes à leur place mais souvent ils n’en ont rien à faire, surtout lorsque les réflexions viennent d’une jeune sage-femme. La maman elle, était gênée, elle ne savait pas quoi dire et en plus elle était dans une position gynécologique qui n’est pas agréable. » 

Éduquer les pères 

« En tant que sage-femme on essaye de raisonner les conjoints mais certains ont besoin d’une éducation complète sur leur relation avec les femmes et sur le couple hétérosexuel », analyse Yami international. Sur son compte Tiktok, elle mentionne cette phrase dite devant une jeune mère de la part de son compagnon : « Madame, comment ça se fait que le ventre de ma femme soit toujours gros. Normalement, il doit redevenir plat car tout est sorti. Le bébé, le placenta et tout, je comprends pas pourquoi elle reste grosse ». Dans ce cas de figure « il y a un manque d’informations des deux côtés. Les femmes pensent aussi qu’elles vont tout de suite perdre leur ventre, c’est notamment dû à la représentation des femmes qu’on a en post-partum. Cela illustre un manque d’informations mais il y a une manière de dire les choses. C’est dénigrant de dire devant sa femme ‘mais pourquoi elle est grosse ?’ ».  

C’est notamment pour cette raison que la sage-femme a dédié son compte Tiktok à sa profession, « c’était important pour moi de montrer cet aspect de la grossesse et de l’accouchement sur les réseaux. Le moment est tellement sacralisé qu’ont oublie que certaines femmes sont dans des situations de violence. Beaucoup d’abonnés ont du mal à y croire. Ces femmes victimes sont les oubliées de la société car on pense que dès qu’on est enceinte tout est merveilleux. » 

« Non je ne veux pas qu’elle prenne la péridurale, elle fait sa chochotte là » 

Si Yami international se veut rassurante en précisant que les remarques sexistes en salle d’accouchement ne concernent qu’une minorité, un sujet plein de clichés persiste : la péridurale. « Il existe deux cas de figures concernant les hommes qui s’opposent à la péridurale. Soit c’est un conjoint qui est mal informé et qui a peur que sa compagne reste paralysée car il l’a entendu d’un ami d’un ami, soit c’est un conjoint violent qui impose sa vision des choses », remarque la sage-femme. Souvent c’est le terme de « chochotte » qui revient sur la table. « Ils nous disent ‘mais comment faisaient nos grands-mères ?’ Mais aujourd’hui nous avons des moyens de soulager donc ce n’est pas la question. Les pères qui font ce genre de réflexions n’ont aucune connaissance du sujet c’est pour ça qu’on incite les hommes à suivre les cours d’aide à la naissance. » Que les futures mamans se rassurent, « si une femme veut sa péridurale elle aura sa péridurale. »