À quoi ressemblait vraiment « Temps X » des frères Bogdanoff ?

Dans les années 1980, l’émission des frères Bogdanoff a été, pour la première fois à la télé française, une porte ouverte sur la science et la science-fiction.

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Temps de lecture : 4 min

Jusqu’à l’incroyable succès de Star Wars ou plutôt de La Guerre des étoiles, la science-fiction n’intéressait pas grand monde dans les bureaux des décideurs de la télévision française. Mais, avec le succès planétaire du film de George Lucas, tout change : robots, vaisseaux spatiaux, rayons laser et planètes lointaines deviennent tout d’un coup à la mode. Au point que Jacques Mousseau, directeur des programmes pour la jeunesse de TF1, confie à deux nouveaux venus qu’il vient de voler à Antenne 2 la présentation de la première émission consacrée à la science-fiction en France. Ces présentateurs s’appellent Igor et Grichka Bogdanoff, l’émission s’appelle Temps X et, pour les téléspectateurs qui la découvrent au printemps 1979, la télévision ne sera jamais plus tout à fait la même.

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Jusqu’alors, à de très rares exceptions près, comme La Brigade des maléfices ou Les Compagnons de Baal, les fictions originales françaises se contentaient, au mieux, d’adapter des classiques littéraires du genre. Ou alors étaient diffusées sans beaucoup d’égard, souvent dans le désordre, en guise de bouche-trous et dans de mauvaises copies des séries américaines achetées à bas prix. Quant aux émissions littéraires ou culturelles, elles ne parlaient pas, ou presque, de ce qui était encore perçu comme une culture très minoritaire.

Les débuts de la vulgarisation scientifique à la télévision

Temps X, c’est avant tout un concept unique : parler chaque semaine, pendant trente puis soixante minutes, de sciences «  dures  », de progrès scientifiques, de recherche fondamentale, en même temps que de science-fiction au sens large et sous toutes ses formes, littérature, cinéma, télévision, etc. Allier intimement culture scientifique et culture populaire. Dans leur décor de carton-pâte évoquant l’intérieur d’un vaisseau interstellaire et leurs costumes imitant les combinaisons spatiales des héros de SF, les frères Bogdanoff ressemblent à des explorateurs, des pionniers envoyés par la télévision pour nous offrir un avant-goût unique de l’avenir.

À LIRE AUSSI Vie et mort des Bogdanoff, entre science et fictionEntre deux fictions ou reportages, ils interviewent des scientifiques, des penseurs prospectifs, des acteurs des nouvelles technologies de l’époque : sur leur plateau, on parle clonage, intelligence artificielle, robotique, écologie et nouvelles énergies, domotique et urbanisme du futur… Cette «  vulgarisation scientifique » qui ne porte pas encore ce nom a le mérite de lancer des vocations : nombre de passionnés de sciences aujourd’hui quadragénaires ou quinquagénaires ont écarquillé des yeux émerveillés devant le programme des Bogdanoff.

Mais elle a aussi sa facette plus sombre : le mélange des genres. En effet, si Temps X parle parfois «  sérieusement » de sciences, elle ne se prive pas de présenter également des gadgets technologiques au caractère scientifique pour le moins discutable (comme cet «  astro-ordinateur » permettant de calculer… le thème astral d’un individu : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i11118808/presentation-de-l-astro-ordinateur) ou de proposer de longues séquences de témoignages autour du paranormal, sans trop de pensée critique comme l’extrait qui suit dans lequel on apprend que les extraterrestres rencontreront les Terriens le 15 août 1980 à Cergy-Pontoise. Au spectateur de séparer, en quelque sorte, la science de la fiction.

Coup de projecteur sur la culture pop

Mais, plus encore que la science, c’est la culture populaire, la «  culture pop », qui est redevable à Temps X. L’équipe de journalistes, de réalisateurs, de programmateurs et de documentalistes (parmi lesquels Alain Carrazé, bien connu des amateurs de séries télé en France et futur cocréateur de Destination séries sur Canal Jimmy) qui œuvre en coulisse est composée de talentueux passionnés qui trouvent en Temps X une occasion unique de partager leur amour de la science-fiction avec le grand public. Et celui-ci de découvrir ainsi de passionnants reportages sur la fabrication et les effets spéciaux de Star Wars ou de Dark Crystal, sur la bande dessinée de SF française (alors en plein boom autour du journal Métal hurlant, du Valérian et Laureline de Christin et Mézières ou de la Trilogie Nikopol d’Enki Bilal), sur H. R. Giger, le créateur visuel du monstre d’Alien, le septième passager, et ses illustrations aussi horrifiques que futuristes, sur la littérature, la musique, le cinéma et les séries de science-fiction venues du monde entier.

À LIRE AUSSI « The Twilight Zone » : les cinq vies de « La Quatrième Dimension » Jamais jusqu’alors, les créations de « l’imaginaire » n’avaient été traitées avec un tel sérieux, une telle rigueur, mais aussi une telle curiosité gourmande et un tel enthousiasme communicatif. Au niveau des séries télé, le tableau est lui aussi remarquable : c’est l’occasion pour le téléspectateur des années 1980 de découvrir ou de redécouvrir dans de bonnes conditions d’immenses classiques de la sériephilie (et de la science-fiction) comme La Quatrième Dimension, Le Prisonnier (pour la première fois en intégralité en France), Au-delà du réel ou Cosmos 1999.

Temps X s’achève en 1987 et laisse une marque durable dans les esprits, mais pas vraiment d’héritier direct. Mélangeant allégrement imaginaire et science, Igor et Grichka Bogdanoff ont incarné pendant l’essentiel des années 1980 une nouvelle façon de parler dans un média grand public d’une culture de l’imaginaire jusque-là restée largement dans l’ombre de la «  grande » culture. Pour tous ceux qui ont connu ces années-là, ça ressemblait drôlement à un âge d’or.

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Commentaires (8)

  • Mike Spencer

    … c’était « gentil » pour rester aimable. A la même époque, « Cosmos », de Carl Sagan, ouvrait des perspectives autrement plus larges, et, surtout, plus crédibles.
    Je n’ai jamais compris l’audience accordée à ces deux charlatans.

  • P'tit-Loup

    C'était une bonne surprise à l'époque d’amener sur le petit écran en France de la Science-Fiction, et pas du tout désagréable à suivre.
    Après ce que sont devenus les frères était beaucoup moins "positif". Je crois me souvenir que l'un d'eux a été poursuivis pour avoir présenté une thèse avancée comme "scientifique" qui n'était qu'un plagiat... Pas terrible comme évolution...

  • guy bernard

    Cet article évite soigneusement de parler de la série "Star Treck" qui avait tout inventé et qui était la base de la culture américaine.
    Si bien que revenant des USA, cette culture était ringarde.